Femmes dans l’IA : la clé pour une tech plus juste et plus forte

7 min
78
0
0
Publié le

Quand une machine reconnaît mieux un visage d’homme que celui d’une femme, ce n’est pas une erreur, c’est un choix. Ou plutôt, l’absence de choix : celui d’une mixité négligée dans l’entraînement, la conception, le pilotage. L’intelligence artificielle progresse à grands pas, mais elle marche sur une seule jambe. In fine, la tech ne gagnera pas en puissance si elle laisse la moitié des talents sur le bas-côté.

Constat actuel : une sous-représentation persistante des femmes dans l’IA

Malgré l'hyper croissance du secteur, les femmes continuent d’y représenter une minorité structurelle.

D’après le rapport « Women in Digital » de l’UNESCO, moins de 22 % des spécialistes en IA à travers le monde sont des femmes. Ce chiffre chute à 12 % lorsqu’il s’agit de profils techniques avancés (data scientists, ingénieures IA, chercheuses en NLP)...

À titre de comparaison, les autres secteurs de la tech affichent en moyenne 28 à 30 % de femmes. L’IA fait donc pire que le reste du numérique.

Cette asymétrie ne résulte ni du hasard, ni d’un déficit de compétences. Elle découle d’un système de reproduction des inégalités ancré dès la formation initiale.

Décryptage des causes

Dès le lycée, on constate que les filles s’éloignent des mathématiques avancées.

À l’université, elles représentent moins de 15 % des effectifs dans les cursus IA, machine learning, ou statistiques appliquées. Et lorsqu’elles accèdent aux postes techniques, la rétention ne suit pas. Le plafond de verre se double souvent d’un plancher collant.

Les causes de ce désengagement sont multiples :

  • Stéréotypes de genre véhiculés dès l’enfance sur les rôles techniques « masculins »

  • Manque de rôle modèles féminins visibles dans la recherche, les startups, les conférences tech

  • Climat hostile ou marginalisant dans certaines équipes (mansplaining, invisibilisation des apports)

  • Effets de seuils statistiques qui isolent les profils atypiques

Les impacts directs sur les algorithmes : biais sexistes et manque de diversité

Moins de femmes dans la conception = plus de biais dans les produits.

L’exemple d’Amazon en 2018 reste emblématique. Leur système de recrutement basé sur l’IA rétro-agissait à partir de CV historiques… majoritairement masculins. 

Résultat ? L’algorithme pénalisait automatiquement les candidatures contenant les mots « women’s college » ou des expériences en leadership féminin. Le projet a été abandonné après détection de cette dérive.

Plus récemment, L’UNESCO a publié en mars 2025 une étude détaillée prouvant que les modèles llms reproduisent très massivement des stéréotypes de genre. Les noms féminins sont sur-associés à des mots comme « maison », « famille », « enfants », tandis que les noms masculins sont liés à « carrière », « commerce », « salaire ».

De facto, l’exclusion des femmes n'est pas qu’un problème RH. Elle contamine directement la performance et l’équité des systèmes IA.

Enjeux sociétaux et économiques d’une IA non inclusive

Des biais algorithmiques lourds de conséquences pour les femmes

L’IA intervient désormais dans des domaines sensibles : santé, recrutement, justice, éducation. En cas de conception biaisée, les conséquences se multiplient — iniquités structurelles incluses.

Domaines impactés et exemples :

  • Santé : diagnostics erronés, sous-reconnaissance de symptômes féminins

  • Recrutement : filtrage discriminatoire sur CV ou réseaux sociaux

  • Éducation : systèmes de recommandation d’apprentissage biaisés

Ce que perd l’économie mondiale en écartant les femmes de la tech

Exclure la moitié de la population des métiers technologiques induit un coût macroéconomique colossale.

Une étude du McKinsey Global Institute souligne que :

  • + 12 000 milliards USD ajouteraient au PIB mondial d’ici 2025 si chaque pays atteignait le niveau de parité le plus performant de sa région.

  • + 28 000 milliards USD pourraient être générés si les femmes accédaient exactement aux mêmes activités économiques que les hommes.

Initiatives existantes : vers une IA plus inclusive


En France, de plus en plus d'initiatives en matière d’égalité femmes-hommes dans l’IA et la Tech émergent, des dispositifs portés par les associations, les entreprises et les pouvoirs publics.

Women in AI France

Fondée à Paris en 2016, Women in AI France est une organisation à but non lucratif qui vise à promouvoir la diversité dans l’IA via des programmes de mentorat, des cycles de formation, le développement d’une communauté active et une visibilité accrue pour les femmes du secteur. 

Elle propose annuellement des bootcamps, des masterclasses thématiques et connecte les participantes à un vaste réseau de professionnelles établies et de partenaires tech, incubateurs et startups.

TechPourToutes

L’initiative TechPourToutes démocratise l’accès à la tech et à l’IA pour les femmes à travers des formations gratuites, des ateliers pratiques et un accompagnement dédié à la reconversion vers les métiers du numérique. 

Les cursus sont élaborés pour les débutantes comme pour les profils en reconversion, avec un fort partenariat avec les entreprises du secteur et un accent sur le passage de l’idéation au projet professionnel concret.

Simplon – Programme GenIAles

Lancée début 2024, la formation GenIAles by Simplon cible les femmes souhaitant s’initier à l’usage des intelligences artificielles génératives

Ce stage, entièrement financé et sans exigence de diplôme, propose quatre jours d’ateliers intensifs sur les usages professionnels quotidiens de l’IA. Le kit pédagogique « GenIAles in the Box » est aussi proposé pour essaimer la démarche auprès des organismes de formation qui souhaitent s’ouvrir à un public féminin en recherche d’emploi ou de reconversion.

Femmes@numérique et Bourses Lovelace (Ada Tech School)

Le collectif Femmes@numérique œuvre pour la visibilité, la formation et l’accès des femmes à l’ensemble des métiers du numérique, en fédérant des acteurs publics et privés. 

La Fondation Ada Tech School accorde chaque année des bourses Lovelace, qui financent neuf mois de formation intensive à la programmation et sont dédiées aux femmes en réorientation professionnelle, contribuant significativement à leur insertion dans la tech.

Initiatives régionales et publiques

  • La Région Île-de-France a lancé en 2025 le fonds « FemTech Île-de-France », premier dispositif européen de soutien à l’innovation en santé numérique au féminin. Elle agit aussi à travers le programme « Démonstrateur : l’IA pour le service public régional » et l’ouverture de campus spécialisés IA pour former massivement les talents féminins de demain.

  • Le plan national IA Clusters (France 2030), doté de 360 M€, prévoit la création de neuf pôles de formation IA partout en France et la montée en compétence de 100 000 personnes d’ici 2030, incluant l’objectif d’au moins 10 000 femmes formées chaque année.

Nouveaux leviers à activer : vers une révolution inclusive

Repenser l’IA avec une logique de design féministe et éthique

Un cadre conceptuel déjà posé : le Feminist Data Manifest‑No propose d’interroger nos usages de la donnée, d’ouvrir des espaces de refus – refuser l’extraction non consentie, plaider pour une interprétation multiple de l’information.

De surcroît, Data Feminism, livre de Catherine D’Ignazio et Lauren Klein, dévoile sept principes à appliquer dans les IA : contre‑data, pouvoir redistribué, pluralité des savoirs...

Inclusion radicale dès l’école : une stratégie nationale à construire

Tout commence dans la salle de classe.

Introduire l’IA dès le collège est un levier stratégique pour transformer les trajectoires, corriger les déséquilibres à la racine, et ouvrir les imaginaires.

Concrètement, chaque élève doit pouvoir manipuler les briques élémentaires de l’IA :

  • Création de petits jeux de données annotés,

  • Exercices de classification d’images simples,

  • Visualisation d’arbres de décision ou de réseaux de neurones très basiques.

Mais l’essentiel ne se joue pas dans la technique brute. Il réside dans l’apprentissage du doute.

Un module interactif proposerait, par exemple, de catégoriser des images de métiers. Résultat : des biais apparaissent — l’algorithme surestime les hommes pour les fonctions à responsabilité, sous-évalue les profils féminins. 

L’objectif ? Que les élèves perçoivent l’injustice dans la machine et comprennent qu’elle ne vient pas de nulle part.

Développer des modèles d’IA co‑construits par des profils divers

L’innovation naît du frottement. Pas d’un consensus mou, mais d’une tension féconde entre disciplines, expériences, sensibilités.

Pour cela, on pourrait imaginer :

  • Une équipe-projet réunissant ingénieures, sociologues, spécialistes UX/UI, issues de parcours diversifiés.

  • Des ateliers où des femmes en reconversion, des lycéennes, des indépendantes IT co-conçoivent un outil d’orientation IA, adapté à leurs réalités.

  • Un développement itératif, où le retour d’usage oriente les choix techniques — pas l’inverse.

Ce type d’approche transforme radicalement la manière de coder : plus ouverte, plus réactive, plus responsable.

L’idée ici : on ne forme plus les femmes pour rejoindre des systèmes déjà biaisés — on conçoit avec elles, dès le départ, une IA qui leur ressemble.

Les 3 points clés à retenir :

  • L’absence des femmes dans l’écosystème IA engendre des biais systémiques qui compromettent performance, équité et innovation.

  • L’inclusion passe par une action simultanée sur la formation, la représentation, le design éthique et la co-construction des technologies.

  • Construire une IA inclusive, c’est ne plus demander aux femmes de s’adapter aux systèmes existants, mais leur donner les moyens de les concevoir elles-mêmes.

Boostez vos projets IT

Les meilleures missions et offres d’emploi sont chez Free-Work

Continuez votre lecture autour des sujets :

Commentaire

Dans la même catégorie

Au service des talents IT

Free-Work est une plateforme qui s'adresse à tous les professionnels des métiers de l'informatique.

Ses contenus et son jobboard IT sont mis à disposition 100% gratuitement pour les indépendants et les salariés du secteur.

Free-workers
Ressources
A propos
Espace recruteurs
2025 © Free-Work / AGSI SAS
Suivez-nous