Rémunérations dans l’IT : la vérité derrière les grilles de salaire

2025 marque un tournant dans les dynamiques de rémunération IT : ralentissement généralisé en façade, révolutions silencieuses en coulisses. Les baromètres l’annonce, Reddit le confirme : certains postes plafonnent, d'autres explosent. Mais ce que les études oublient souvent, ce sont les trajectoires, les arbitrages, les négociations en off. C’est là que tout se joue désormais.
Les chiffres officiels : progression ralentie mais toujours positive
Le baromètre Silkhom 2025, entre autres études, pose un diagnostic sans détour : l’emballement salarial de 2024 ne se prolonge pas.
Après une progression moyenne de +7 % l’année précédente, la hausse globale retombe à +3 %. L’atterrissage semble net, mais inégal. Certains décollent encore. D’autres s’enlisent.
Les métiers IT ne forment pas un bloc homogène. En 2025, les grilles de rémunération dessinent une cartographie fracturée, mouvante, parfois contre-intuitive.
C’est précisément ce que révèle l’analyse de 20 000 profils réalisée par Silkhom : chaque variable — métier, localisation, expérience - infléchit fortement le salaire.
Comparatif 2024 vs 2025 : une croissance contenue

Par métier : des écarts jusqu’à 40 %
Certains postes cumulent rareté, complexité technique, et poids stratégique. Ils concentrent donc l’essentiel des hausses.
À l’opposé, plusieurs profils historiquement sur-représentés voient leur rémunération plafonner, voire reculer.
Par région : Paris se tasse, les métropoles résistent, les télétravailleurs s’émancipent

En Île-de-France, la pression à la baisse s’intensifie sur les profils standards.
À Lyon, Nantes, Toulouse, les tensions locales soutiennent encore les niveaux salariaux sur certains métiers (data, infra, dev backend).
Le télétravail rebattant les cartes, certaines entreprises optent pour une politique salariale géo-indexée (rémunération ajustée au coût de la vie local), quand d’autres préfèrent une grille unique nationale.
Résultat : deux candidats au même poste peuvent afficher 15 % d’écart de salaire, à profil équivalent, selon leur point de chute.
Par ancienneté : les profils confirmés conservent leur pouvoir de négociation
0 à 3 ans : stagnation fréquente, sauf compétences rares (Go, Rust, IA appliquée)
3 à 7 ans : levier de négociation si changement de structure
8 ans et + : divergence nette selon l’environnement (ESN vs client final, startup vs grand groupe)
Un constat : le seul levier fiable d’augmentation à deux chiffres reste la mobilité externe, souvent combinée à une expertise différenciante.
Les métiers en (dés)équilibre : entre tensions, saturation et recul

Le ralentissement global des rémunérations masque une réalité plus tranchante : le marché IT s’horizontalise à mesure qu’il se polarise.
D’un côté, les profils techniques à forte valeur stratégique. De l’autre, les fonctions standards, déjà saturées.
Les uns négocient des hausses à deux chiffres. Les autres se heurtent à des plafonds de verre. Parfois, à des reculs secs.
Les grands gagnants : expertise rare, levier stratégique
Certains rôles concentrent les investissements, captent les budgets, structurent les roadmaps produits ou sécurisent les SI.
Leur point commun : ils articulent technologie, pilotage et projection métier.
Head of Product (CPO) : +12,5 % en moyenne pour les profils confirmés
Architectes techniques / software / cloud : +8 à +13 %, selon la séniorité et le secteur
Responsables sécurité (RSSI) : stabilité haute, avec des salaires qui s’indexent sur la criticité du poste
Experts data (Data Scientists, Data Engineers, BI Managers) : +4 à +7 %, tirés par les projets IA
Ingénieurs IA : maintien au sommet, alimenté par les usages génératifs
Ceux qui comprennent les enjeux métiers, anticipent les évolutions produits ou orchestrent des architectures complexes demeurent non-substituables, IA ou non.
Les perdants : fonctions standardisées, marchés saturés
L'effet miroir s’observe sur les métiers historiquement porteurs, mais désormais surexposés :
Développeurs .NET : -15,4 % dans certains cas, en particulier chez les mid-level
Fullstack JavaScript (React / Node) : -5 à -10 % selon le niveau d’autonomie
Chefs de projets techniques : déclin progressif, glissement vers des profils hybrides (scrum, PMM)
Le marché regorge de candidatures sur ces postes. L’offre excède la demande, surtout dans les environnements ESN ou grands comptes.
La rareté ne garantit plus la valeur. Et la saturation affaiblit la négociation.
👉 Free‑Work déploie un baromètre IT mis à jour quotidiennement, alimenté par les freelances et salariés Tech eux‑mêmes. On y trouve, métier par métier, TJM ou salaire annuel brut, répartitions hommes/femmes, taux de télétravail, âge d’expérience, type de contrat.
Ces filtres permettent une vision affûtée de la réalité du marché. En se référant à ce baromètre avant toute négociation, un professionnel IT ajuste son benchmark avec précision.
De surcroît, Free‑Work s’inscrit dans une approche communautaire : les contributions anonymes enrichissent une base vivante, plus fine que bien des études trimestrielles.
Le CDI recule : flexibilité imposée, précarité assumée ?

Depuis 2019, le contrat à durée indéterminée perd du terrain dans les métiers IT.
Ce phénomène, déjà amorcé avant la crise sanitaire, s’accélère sous l’effet combiné de la volatilité économique, de la montée des modèles freelances et d’une mutation profonde des stratégies RH.
Le constat se confirme dans les baromètres Silkhom, LHH, et sur Free‑Work : la sécurité de l’emploi glisse doucement vers un modèle de mission, de prestation, de contribution ponctuelle.
Moins d’embauches, plus de « solutions flexibles »
Les entreprises freinent donc les embauches en CDI, sauf cas critique. Elles externalisent, elles attendent, elles testent.
LHH, pour sa part, observe une recrudescence des contrats courts (CDD, intérim) et des prestations via ESN ou freelances, dans l’attente de signaux économiques plus lisibles.
Trois tendances dominent :
Portage salarial en hausse : compromis pour les talents seniors ne souhaitant ni précarité ni rigidité
Freelance longue mission : souvent sur 12 à 18 mois, en remplacement ou en renfort projet
Multiplication des appels d’offre techniques : recrutement repoussé à l’après-projet
En somme, le CDI devient l’exception quand la stabilité devient incertaine.
Les zones d’ombre : ce que les baromètres ne mesurent pas

La rémunération réelle ≠ salaire affiché
Un « 60 000 € brut annuel » ne raconte pas toute l’histoire.
Entre brut, super-brut et net, les écarts atteignent 30 % à 40 %.
À cela s’ajoutent les impôts, les charges sociales et les prélèvements variables. L’affichage brut rassure les recruteurs, mais il brouille la vision du pouvoir d’achat réel.
Autre zone trouble : les primes aléatoires. Bonus de performance, participation, intéressement : annoncés, rarement garantis.
Les packages opaques compliquent encore la lecture :
Equity ou BSPCE dans les startups, souvent valorisés de façon hypothétique
Primes de cooptation ou d’ancienneté, dépendantes d’un calendrier mouvant
Avantages périphériques (tickets resto, mutuelle, remote allowance) mis en avant mais inégaux
Le poids invisible : santé mentale, disponibilité, usure silencieuse
Un salaire élevé compense parfois une charge invisible. Pression constante, astreintes prolongées, mails nocturnes : la disponibilité permanente se normalise dans certains environnements.
Résultat : burn-out plus fréquent, instabilité psychologique croissante. Le marché valorise la sur-disponibilité autant que la compétence technique.
La question sous-jacente demeure : la rémunération compense-t-elle une souffrance ?
Sur Reddit, nous avons pu constater que de nombreux témoignages décrivent ce décalage :
« 80k, mais plus de week-end depuis deux ans », « 95k, avec trois crises d’angoisse par trimestre ».
Ces récits montrent que le prix du talent inclut parfois (souvent ?) un coût humain non chiffré.
Le mythe du salaire à l’ancienneté

Les baromètres laissent penser que l’ancienneté consolide la rémunération. mais dans les faits, la réalité contredit cette logique.
Rester dix ans dans une même entreprise se traduit souvent par des hausses faibles (+2 % à +3 % par an), très en deçà de l’inflation.
À l’inverse, les parcours publiés sur Reddit ou salaires.dev révèlent un autre modèle :
+15 % à +20 % à chaque changement de structure, parfois +50 % pour un profil en tension
sauts rapides en passant d’une ESN à un client final, ou d’une PME locale à une startup internationale
stagnation systématique chez ceux qui choisissent la fidélité à l’entreprise…
Comment on gagne (vraiment) plus dans l’IT aujourd’hui ?
1️⃣ Changer pour progresser : la mobilité comme levier n°1

Un constat ressort de tous les témoignages et baromètres croisés : les augmentations significatives proviennent quasi exclusivement des changements d’entreprise
Le fameux job hopping fonctionne comme un multiplicateur. Là où un salarié fidèle obtient +3 % en interne, un profil mobile peut arracher +20 % à +30 % d’un seul coup.
Les leviers utilisés varient :
négociation agressive lors du recrutement, avec plusieurs offres concurrentes en main,
menace de départ crédible, appuyée par des propositions concrètes,
choix stratégique du timing (ex. : après une certification rare ou en plein boom d’une techno).
2️⃣ Profil technique ≠ profil cher : ce qui valorise un salaire en 2025
Deux développeurs maîtrisant la même stack n’affichent pas la même rémunération. Ce qui différencie : la capacité à raconter sa valeur.
Trois dimensions pèsent lourd :
Soft skills : leadership d’équipe, pédagogie auprès des non-tech, capacité à défendre une architecture face au board.
Culture produit : compréhension du why autant que du how, orientation business.
Signal externe : présence sur LinkedIn, conférences, side projects visibles, publications open source.
Un ingénieur Python discret plafonne à 55k. Un autre, de même niveau technique, qui publie sur GitHub, anime un meetup et se positionne sur LinkedIn comme « Data Engineer orienté IA générative », dépasse 75k.
3️⃣ Salaires perçus vs salaires vécus
Le salaire alimente outrageusement des fantasmes. Certains affichent 100k et suscitent l’envie. Mais derrière, surcharge chronique, absence de vie privée, précarité du contrat...
À l’inverse, d’autres gagnent 45k, profitent d’un rythme soutenable, de perspectives de progression, d’un environnement respectueux - et se déclarent « mieux lotis ».
La perception sociale brouille la valeur réelle du travail.
Biais cognitifs (effet d’ancrage, comparaison sociale), jalousie latente, tabou persistant autour des chiffres : autant d’éléments qui faussent le débat.
Sous-vendu(e) depuis le début : comment sortir de la spirale ?

Un premier poste mal négocié agit comme une pénalité structurelle. Point d’ancrage trop bas, revalorisations timides, progression bridée : la spirale s’installe.
Au fil des années, l’écart avec la médiane du marché peut dépasser 15 à 20 %, parfois davantage.
Rattraper cette sous-évaluation exige une stratégie. Trois axes reviennent le plus souvent :
Benchmark systématique : comparer régulièrement son salaire aux baromètres publics.
Job hopping ciblé : viser une entreprise concurrente ou une startup en croissance, prête à acheter une compétence déjà opérationnelle.
Narration de valeur : reformuler son expérience en termes de résultats concrets (optimisation de coût, amélioration de disponibilité, montée en charge réussie).
La guerre des salaires existe… mais elle est silencieuse
Dans la Tech française, l’argent reste tabou. Peu de salariés partagent leur rémunération, par crainte de jalousies internes, de tensions managériales ou d’étiquettes sociales.
Cette opacité profite directement aux employeurs : tant que l’information circule mal, la marge de manœuvre reste asymétrique.
Les forums anonymes (Reddit, salaires.dev, Slack privés) dévoilent une autre réalité : les écarts sont massifs. À diplôme identique et compétence équivalente, deux ingénieurs peuvent se retrouver avec un delta annuel de 20k à 30k.
Pourquoi ? Parce que l’un a parlé, comparé, négocié. L’autre non.
Rompre ce silence devient une forme d’action collective. Partager, benchmarker, publier : trois armes contre la sous-évaluation chronique.
Les 3 points clés à retenir :
En 2025, les salaires IT progressent encore (+3 %), mais seuls les profils rares et stratégiques captent les vraies hausses.
La mobilité externe, le personal branding et la capacité à négocier restent les leviers les plus efficaces pour briser la stagnation.
Les discours officiels masquent encore les écarts, les tabous et les coûts invisibles : seule la transparence collective rééquilibre le rapport de force.
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